Dépistage du brouillard cérébral : L’évaluation cognitive de Montréal est-elle un outil de dépistage efficace des troubles neurocognitifs après l’étude COVID-19 ?

https://doi.org/10.1016/j.genhosppsych.2022.07.013Obtenir les droits et le contenu

Résumé

Contexte

Les troubles cognitifs sont l’un des symptômes les plus fréquents signalés dans les séquelles post-aiguës du COVID-19 (PASC). L ‘évaluation cognitive de Montréal (MoCA) a été utilisée pour estimer la prévalence des troubles cognitifs dans de nombreuses études sur les séquelles post-aiguës de la maladie et est couramment employée comme test de dépistage dans cette population, mais sa validité n’a pas été établie.

Objectif

Déterminer l’utilité du MoCA pour dépister les troubles cognitifs dans le cadre du PASC.

Méthodes

Soixante participants ont subi des évaluations neuropsychologiques, psychiatriques et médicales, ainsi que l’évaluation cognitive de Montréal, 6 à 8 mois après l’infection aiguë par COVID-19.

Résultats

L’échantillon global avait un score moyen de 26,1 sur le MoCA, avec environ un tiers de dépistage en dessous du score limite de 26, similaire au taux de performance extrêmement faible du test NP. Le score MoCA était inversement corrélé aux mesures de la fatigue et de la dépression et les participants issus de minorités ethniques ont obtenu en moyenne un score inférieur, malgré un niveau d’éducation et une fonction prémorbide estimée similaires. Le MoCA avait une précision de 63,3 % pour détecter tout degré de diminution de la performance de la NP, et une précision de 73,3 % pour détecter une performance extrêmement faible de la NP.

Discussion/Conclusion

La MoCA peut ne pas être précise pour détecter les degrés légers ou plus sévères de diminution des performances du test de NP dans le cadre du PASC. Par conséquent, les patients présentant des troubles cognitifs persistants dans le cadre du PASC et dont le score au MoCA se situe dans la fourchette normale doivent être orientés vers une évaluation formelle de la NP.

Introduction

Selon l’Organisation mondiale de la santé, le SRAS-CoV-2, le virus responsable du COVID-19, a infecté plus de 260 millions de personnes dans le monde [1]. Il est de plus en plus évident que, même après avoir récupéré de la maladie aiguë, de nombreuses personnes présentent des symptômes inattendus à long terme. Ces symptômes post-aigus du COVID-19 (PASC) comprennent la fatigue, des manifestations respiratoires et cardiaques, ainsi que des symptômes cognitifs et psychiatriques.

Les plaintes cognitives rapportées par les personnes souffrant de PASC (souvent appelées « brouillard cérébral » par les patients) comprennent l’inattention, le manque de concentration, les problèmes de mémoire et les difficultés à effectuer plusieurs tâches à la fois [2]. Ces symptômes sont souvent associés à des symptômes psychiatriques tels que la dépression, l’anxiété, la fatigue et les troubles du sommeil [2]. Une revue complète de 12 études sur les troubles cognitifs post-COVID-19 a révélé des troubles globaux chez 15 à 80 % des participants, notamment des déficits de la mémoire, de l’attention, des fonctions exécutives et de la fluidité verbale [3]. Les études incluses dans cette revue s’appuyaient principalement sur des mesures de dépistage telles que l’évaluation cognitive de Montréal (MoCA) et le Mini Mental State Exam (MMSE), et peu d’entre elles utilisaient une évaluation neuropsychologique (NP) formelle [3]. Les études récentes qui ont eu recours à des tests neuropsychologiques formels ont abouti à des résultats mitigés, certaines concluant à des déficits minimes, d’autres à des déficits minimes, attribuant ces déficits à d’autres symptômes tels que l’humeur, le manque de sommeil et la fatigue [4,5]. En revanche, une étude anglaise de 2022 portant sur des patients post-hospitalisés comparés à un groupe témoin a révélé des troubles cognitifs relativement graves, que les auteurs ont décrits comme étant d’une ampleur similaire à celle d’un vieillissement de 20 ans [6].

Ce groupe de recherche a présenté les résultats neuropsychiatriques d’une évaluation transversale de 60 participants inscrits à une enquête longitudinale sur les séquelles neuropsychologiques, médicales et psychiatriques du COVID-19. Les résultats de l’étude indiquent que plus d’un quart (27 %) des participants avaient des performances extrêmement faibles au test NP. L’étude a également montré que les personnes consultant pour des troubles cognitifs dans les domaines de la mémoire, du langage et de la cognition supérieure, tels que mesurés par l’inventaire PAOF (Patient Assessment of Own Functioning), obtenaient des résultats significativement inférieurs aux valeurs normatives basées sur la population aux tests NP d’attention, de vitesse de traitement, de mémoire et de fonctions exécutives [7]. Les prédicteurs indépendants de la déficience dans cette population comprenaient les symptômes aigus du COVID-19, le score de dépression actuel, le nombre de comorbidités médicales et les plaintes cognitives subjectives dans les domaines de la mémoire, du langage et des fonctions exécutives [7].

Les résultats ci-dessus indiquent que les personnes qui ont guéri de l’infection par COVID-19 peuvent souffrir d’une déficience neurocognitive et que les plaintes cognitives subjectives dans le contexte du PASC méritent d’être étudiées. Cependant, pour la population post-COVID en général qui cherche à se faire soigner, les tests neuropsychologiques formels peuvent être difficiles d’accès, avec des limitations en termes de coût, de disponibilité et de temps de réalisation [8]. Dans cette optique, les chercheurs ont cherché à déterminer si un outil de dépistage des troubles cognitifs couramment utilisé, l’évaluation cognitive de Montréal (MoCA), serait cliniquement utile pour dépister les déficits neurocognitifs chez les patients atteints de PASC, ce qui faciliterait les examens complémentaires, notamment la neuro-imagerie et les tests formels [9].

Le MoCA est un outil de dépistage cognitif conçu pour être plus sensible aux formes légères de déficience cognitive et aux fonctions de domaines cognitifs spécifiques que d’autres mesures telles que le MMSE, et il a été validé dans de nombreuses populations [[10], [11], [12]]. Des chercheurs du monde entier ont utilisé le MoCA dans la population COVID-19 pour fournir une estimation du fonctionnement cognitif à la fois pendant la phase aiguë et à plus long terme. Une étude portant sur l’état cognitif et psychologique des patients au cours des phases subaiguës et à long terme de l’étude COVID-19 a révélé que 70 à 75 % des participants présentaient des déficiences sur l’échelle MoCA [13]. Une étude indienne a utilisé la MoCA pour examiner les troubles cognitifs après une infection asymptomatique par COVID-19, et a constaté des troubles à la fois dans le score total et dans des domaines spécifiques, à savoir l’aspect visuospatial, la dénomination et la fluidité verbale [14]. Une étude réalisée en 2022 dans la ville de New York a examiné 215 patients six mois après l’infection par le COVID-19 à l’aide d’une version téléphonique de la MoCA. 49 % d’entre eux présentaient des résultats anormaux, les variables prédictives étant notamment l’âge avancé, le niveau d’éducation secondaire ou inférieur, le chômage avant l’infection par le COVID, et la race noire [15].

Le MoCA présente des limites pour cette population et d’autres populations cliniques. Bien que le MoCA soit largement utilisé, il a été conçu comme un outil de dépistage qui déclencherait des tests neuropsychologiques (NP) plus formels, l’étalon-or. Il peut être moins sensible dans la détection de formes plus subtiles de difficultés cognitives que les tests neuropsychologiques. Dans les études de population, cela peut conduire à une sous-estimation des troubles cognitifs réels. Chez les patients examinés en clinique, il est possible que des déficiences légères ne soient pas détectées. En ce qui concerne la population COVID-19, aucune étude ne s’est penchée sur l’utilité du MoCA par rapport au test NP formel.

Forts de ces connaissances, les enquêteurs ont cherché à évaluer les personnes qui se sont rétablies de leur maladie aiguë liée au COVID-19 et à répondre aux questions suivantes :

  • 1.Le MoCA est-il un outil de dépistage efficace des troubles neurocognitifs chez les personnes ayant récupéré de la maladie aiguë COVID-19 ?
  • 2.Existe-t-il une corrélation entre les mesures psychiatriques ou médicales et les performances de la MoCA ?

Extraits de section

Méthodes

Cette étude a été menée au New York Medical College/Westchester Medical Center Health Network (WMCHealth), à Valhalla, NY. Elle a été approuvée par l’Institutional Review Board du New York Medical College (Protocole #14400) ainsi que par le WMCHealth Clinical Research Institute. Les données ont été obtenues à partir de l’évaluation de base de 60 participants recrutés pour une étude longitudinale des séquelles neurocognitives, médicales et psychiatriques du COVID-19. Les participants à l’étude ont été recrutés via les médias sociaux,

Échantillon global

Les informations sociodémographiques concernant cet échantillon figurent dans le tableau 2. En moyenne, les participants étaient âgés d’environ 40 ans. Un peu plus de la moitié des patients s’identifiaient comme Blancs, environ deux tiers étaient des femmes, deux tiers étaient en couple et plus de trois quarts avaient un emploi. Les participants se trouvaient en moyenne à environ 7 mois de leur maladie aiguë. Environ 40 % d’entre eux avaient des antécédents psychiatriques (tableau 2).

MoCA

Le groupe de 60 personnes avait un MoCA total moyen de 26,1, avec une norme de

Discussion

Les données de cet échantillon suggèrent que, sur la seule base de la MoCA, une partie importante des participants à l’étude pourrait souffrir d’une déficience neurocognitive après s’être rétablie d’une infection aiguë par COVID-19, puisque plus d’un tiers de tous les participants ont obtenu un score inférieur à 26. Cette constatation n’est pas surprenante étant donné les nombreux rapports antérieurs démontrant une déficience cognitive post-COVID [[2], [3], [4]]]. En examinant les sous-catégories du MoCA, nous avons constaté que les participants obtenaient les scores les plus bas en rappel différé, ce qui a également été le cas pour le MoCA.

Conclusion

Le MoCA n’est peut-être pas une mesure adéquate pour le dépistage des troubles cognitifs dans le PASC. Les patients présentant des troubles cognitifs doivent être orientés vers des tests de PN et un traitement appropriés. La batterie de tests de PN utilisée dans cette étude évalue plusieurs domaines cognitifs de manière plus approfondie que la MoCA et dure moins d’une heure. Des études antérieures ont montré que les performances de la MoCA après l’infection par le virus COVID-19 s’améliorent avec le temps [33]. Le suivi longitudinal de cette cohorte est en cours.