Alors que les députés s’apprêtent à s’emparer du sujet du Covid long vendredi, à l’occasion de l’examen d’une proposition de loi, France Inter se penche sur le retour au travail des malades souffrant de symptômes persistants du Covid. Un sujet encore sous les radars de nombreux employeurs et DRH. Et pour cause : beaucoup de salariés touchés par ces formes longues du Covid sont encore en arrêt. Mais ils sont malgré tout de plus en plus à reprendre le chemin du boulot.
Symptômes fluctuants, différents d’une semaine à l’autre
Les yeux rivés sur son ordinateur, devant un tableau Excel… C’est sur son lieu de travail, à Lille, que Rahel Damamme, la quarantaine, diagnostiquée Covid long par les médecins, après un long parcours de soin, nous accueille. Sa tâche du moment : compiler des lignes et des lignes de chiffres, pour élaborer son rapport annuel. « C’est faisable, même avec un Covid long, à condition d’être extrêmement organisée et de ne rien laisser au hasard. Car vous ne savez jamais à quoi va ressembler votre journée ! » Il y a effectivement les hauts et les bas, avec des symptômes différents et fluctuants, raconte cette cadre chez Décathlon. « J’ai une équipe, décrit-elle, qui m’a vu arriver avec une péricardite, puis la semaine suivante des problèmes aux yeux, des douleurs à la cage thoracique, des problèmes cognitifs… Mais j’ai eu autour de moi beaucoup de bienveillance. »
Il y a deux semaines, je n’aurais pas pu vous parler. J’ai fait une énorme rechute. Je suis venue pour une réunion et mes larmes coulaient. C’est une forme de maladie invisible, mais là mes collègues ont vu à quel point je pouvais souffrir.
Pauses et plannings adaptés
Un arrêt, suivi de beaucoup de télétravail, une organisation sur mesure… Le tout sous le regard d’une hierarchie très compréhensive… « Voilà comment j’ai passé ces 20 derniers mois« , sourit Rahel. « Mais c’est loin d’être le cas pour tout le monde« , s’inquiète celle qui a parallèlement co-fondé l’association Après J20 de malades atteints de symptômes persistants du Covid : « Il y a un décrochage pour beaucoup. On reçoit des appels à l’aide, des messages de détresse. Certaines personnes enchaînent les arrêts maladie, ne voient pas leur CDD renouvelé, ont de gros problèmes financiers. Je mesure à quel point j’ai de la chance. Mon travail m’aide aussi d’une certaine manière à guérir et à trouver des solutions. »
Un accompagnement que Décathlon dit vouloir généraliser : traiter les Covids longs comme les autres maladies chroniques en entreprise. Une charte a été signée il y a un mois, des formations lancée et consignes données pour permettre des pauses et des horaires aménagés. Franck Martinez est en charge de la qualité de vie au travail chez Décathlon : « Rien que sur le magasin de Bayonne, auquel je suis rattaché, trois personnes se sont signalées, parce qu’on a commencé à libérer la parole. Ce sont souvent des personnes en bonne santé, sportives, et qui ne comprennent pas ce qui leur arrive, qui ont dû mal à exprimer leur difficultés. Les entreprises doivent se saisir de ce sujet. » Un sujet auquel il a été sensibilisé par son fils, lui même atteint de Covid long.
Une démarche d’entreprise encore rare
A quelques centaines de kilomètres, Emmanuel Cadic Gauthier médecin du travail en Bretagne suit de son côté une quinzaine de salariés atteints de Covid longs. Elle se mobilise aujoud’hui, inquiète. Selon elle, certaines entreprises réagissent très positivement, notamment dans le secteur de la santé, où de nombreux salariés ont été malades, mais d’autres sont au contraire dans la méfiance.
Il faut alerter, sensibiliser… Les employeurs manquent d’information. Les formes de la maladie, avec beaucoup de variations, peuvent semer le troubler, générer des doutes, de la suspiscion. Mais il faut laisser le temps aux personnes de se remettre ! C’est un long chemin…
Risque émergent pour le monde économique ?
Et si certains abus existent, les médecins savent maintenant poser un diagnostic de Covid long. « Il existe des unités spécialisées. Il faut faire confiance aux médecins et aux médecins du travail, qui vont accompagner ces salariés. Une étape cruciale », dit-elle.
Car, avec entre entre 500 000 et plus 1 million de salariés potentiellement touchés par différentes formes de Covid longs, il y a bien ce qu’on appelle un « risque émergent », nous explique Cécile Oger du réseau d’étude et de prospective BSR, Business For Social Responsabilities. Elle a publié une note sur le sujet. Sujet humain mais aussi de productivité : « Cela touche toutes les strates de l’entreprises. Si une partie de votre masse salariale, si votre directrice innovation, si un PDG souffre de Covid long, cela peut être très impactant. C’est un risque, qui va monter… Mais aussi une opportunité pour les entreprises de se questionner et d’avancer dans le domaine de l’inclusion. »
Pour sensibiliser le monde du travail, les associations de malades du Covid long appellent à un grand plan d’action. Essentiel préviennent-elles, pour éviter une véritable vague de désinsertion professionnelle.