Covid long, SAMA, fatigue chronique, dysautonomie, SIBO : quels liens ?
·
Apr 6, 2025
1
Depuis l’apparition du Covid long, de nombreux patients errent d’un médecin à l’autre pour comprendre un ensemble de symptômes inexplicables. Fatigue écrasante, « brain fog » (brouillard cérébral), malaise en position debout, troubles digestifs, éruptions cutanées… Ces manifestations rappellent d’autres syndromes chroniques mal connus, tels que le syndrome d’activation mastocytaire (SAMA), le syndrome de fatigue chronique (encéphalomyélite myalgique, EM/SFC), la dysautonomie (par ex. le POTS, syndrome de tachycardie orthostatique postural) ou encore le SIBO (surcroissance bactérienne de l’intestin grêle). Faut-il y voir des connexions sous-jacentes ? Les recherches récentes suggèrent en effet des mécanismes communs, notamment du côté de l’immunité et des mitochondries, nos organites producteurs d’énergie cellulaire. Faisons le point, de manière claire et documentée, sur l’état des connaissances scientifiques liant ces conditions, et sur les pistes de guérison envisageables (avec prudence et espoir raisonné).
Un syndrome multi-systémique aux symptômes entrecroisés
Le Covid long se caractérise par des symptômes persistants touchant divers organes, au-delà de 3 mois après l’infection initiale. Cela va de la fatigue intense aux troubles neurologiques (cognitive, maux de tête), en passant par des problèmes cardiovasculaires (palpitations, tachycardie), respiratoires (essoufflement), digestifs (douleurs abdominales, diarrhées), etc. Cette nature multi-systémique évoque d’emblée d’autres syndromes post-infectieux bien connus des spécialistes, tels que le syndrome de fatigue chronique post-EBV ou d’autres suites de virus. En effet, la communauté scientifique postule que le Covid long pourrait partager des mécanismes pathologiques communs avec des syndromes post-viraux comme l’EM/SFC, et donc bénéficier d’approches diagnostiques et thérapeutiques similaires. Autrement dit, ce que vivent de nombreux « long Covid » ressemble fort à ce que vivent des patients atteints d’EM/SFC depuis parfois des années.
Plus inquiétant encore, des médecins observent l’émergence de pathologies concomitantes chez des Covid longs : par exemple, certains développent un SAMA alors qu’ils n’avaient pas d’antécédents allergiques marqués ; d’autres déclarent un syndrome de POTS (dysautonomie cardiovasculaire) après leur infection ; d’autres encore souffrent de troubles gastro-intestinaux persistants qui font évoquer un SIBO ou un déséquilibre du microbiote intestinal. Bien sûr, tous les patients Covid long ne cumulent pas toutes ces affections, mais les chevauchements sont fréquents. Une étude d’observation conduite par Weinstock et coll. a montré que les patients Covid long présentent pratiquement les mêmes symptômes que ceux d’un syndrome d’activation mastocytaire (MCAS/SAMA), notamment fatigue, faiblesse musculaire, « brain fog », tachycardie, insomnie, essoufflement, migraines, paresthésies, vertiges, éruptions, flushing, douleurs abdominales, etc. Du côté de la dysautonomie, on estime qu’entre 30 et 80 % des Covid longs présentent une forme de POTS ou d’intolérance orthostatique selon les études. Par exemple, une étude récente a trouvé que près de 80% des personnes suivies pour Covid long remplissaient les critères du POTS ; même en dehors de ces cohortes spécialisées, environ 30% des patients Covid long très symptomatiques souffrent de POTS, et au total jusqu’à 73% montrent une dysfonction du système nerveux autonome (rythme cardiaque, tension, sudation, digestion…). Les troubles digestifs ne sont pas en reste : diarrhées prolongées, ballonnements, modification de l’appétit ou du transit sont rapportés. Des cas de SIBO post-Covid ont été documentés, où l’infection virale semble avoir déclenché une prolifération bactérienne intestinale anormale due à un déséquilibre du microbiote (« dysbiose ») et une motilité intestinale réduite.
En résumé, le Covid long semble pouvoir entraîner un véritable syndrome systémique, mêlant :
- Activation immunitaire aberrante : libération excessive de médiateurs inflammatoires (piste SAMA/MCAS) provoquant éruptions cutanées, allergies nouvelles, etc.
- Dysfonctionnement nerveux autonome : intolérance orthostatique, fréquence cardiaque anormale, troubles de la régulation (piste POTS/dysautonomie).
- Épuisement et troubles musculo-cognitifs : fatigue chronique disproportionnée, aggravée à l’effort (post-exertional malaise), brouillard cérébral, douleurs diffuses (piste EM/SFC).
- Anomalies digestives : altération du microbiote intestinal, perméabilité accrue et éventuellement SIBO, contribuant à des symptômes gastro-intestinaux et inflammatoires.
- Perturbation métabolique cellulaire : difficultés de production d’énergie par les mitochondries, possiblement responsable de la fatigue profonde et du manque de récupération physique.
Chaque patient est un cas particulier, avec une combinaison propre de ces mécanismes, ce qui complexifie le diagnostic. Mais de plus en plus d’études mettent en lumière l’entrelacement de ces facteurs. Regardons de plus près chacun d’eux et ce que dit la science à ce jour.
Le Covid long réveille-t-il un SAMA (syndrome d’activation mastocytaire) ?
Le syndrome d’activation mastocytaire (SAMA) est un trouble immunitaire dans lequel les mastocytes — cellules immunitaires résidant dans nos tissus — se mettent à libérer inopinément des quantités excessives de médiateurs (histamine, tryptase, cytokines inflammatoires, etc.). On le compare parfois à être « allergique à la vie », tant les déclencheurs peuvent être variés (certains aliments riches en histamine, alcool, chaleur, stress, infection, parfum ou produits chimiques, piqûres d’insectes…) et les symptômes polyvalents : éruptions cutanées (urticaire, flush), œdèmes, troubles digestifs (douleurs, diarrhées, reflux), migraines, vertiges, palpitations, douleurs articulaires, crises pseudo-allergiques pouvant aller jusqu’à l’anaphylaxie. Le SAMA peut être primaire (lié à un clone mastocytaire), secondaire (déclenché par une autre maladie) ou idiopathique (sans cause identifiée).
Or, depuis la pandémie, de plus en plus de médecins et chercheurs observent un lien entre Covid long et SAMA. En France, un projet de recherche (ACT-LONG-COVID) porté par l’IHU Imagine a posé l’hypothèse que le Covid long pourrait en fait être associé à un SAMA post-infectieux chez des individus prédisposés génétiquement. En effet, une caractérisation préliminaire de ces patients a montré une maladie systémique avec de nombreux symptômes similaires à ceux du SAMA, et on a remarqué que des antécédents allergiques pouvaient favoriser le développement d’un Covid long, suggérant l’implication des mastocytes. Concrètement, l’infection par le SARS-CoV-2 pourrait agir comme le déclencheur d’un SAMA latent chez certaines personnes, “réveillant” une tendance mastocytaire sous-jacente. C’est le témoignage d’Elsa, 31 ans, publiée sur Carenity : « il est probable que le SAMA sommeillait en moi et que le virus de la Covid-19 est venu le réveiller très fortement » confie-t-elle. Elle ajoute que, d’après ses médecins, les cas de SAMA ont augmenté fortement à cause du Covid-19 (Témoignage — Covid long et SAMA : “Ces maladies ne me quittent plus depuis 3 ans !” — Carenity) — un ressenti qui fait écho aux observations cliniques internationales.
Biologiquement, pourquoi le coronavirus activerait-il les mastocytes ? Des mécanismes commencent à être décrits. Le SARS-CoV-2 provoque un état inflammatoire persistant qui peut sur-stimuler l’expression de certains gènes mastocytaires, perturbant leur régulation. De plus, le virus active des récepteurs immunitaires (TLR) et peut conduire à la production d’auto-anticorps ; ces auto-anticorps peuvent à leur tour activer les mastocytes en se liant à leurs récepteursLes mastocytes étant très présents dans les tissus pulmonaires (richement dotés en récepteurs ACE2, la porte d’entrée du virus), ils se retrouvent en première ligne lors de l’infection et de l’hyper-réaction immunitaire qu’elle entraîne. Résultat : une libération excessive de cytokines pro-inflammatoires (histamine, IL-1β, IL-6, facteur d’activation plaquettaire, etc.) qui peut se maintenir bien après l’infection aiguë, alimentant un cercle vicieux d’inflammation chronique. Ceci concourt à l’état de “feu de braise” immunitaire que l’on observe chez nombre de Covid longs.
Les symptômes de SAMA et de Covid long se recoupent donc largement, comme l’a montré l’étude de Weinstock (faiblesse, tachycardie, brain fog, douleurs, troubles gastro-intestinaux, etc. chez les deux populations). La bonne nouvelle, c’est que cela ouvre des pistes thérapeutiques. En effet, diagnostiquer et traiter un SAMA sous-jacent chez les patients Covid longs peut apporter un soulagement symptomatique non négligeable. Les protocoles de traitement du SAMA sont assez bien établis dans la littérature allergologique : antihistaminiques H1 et H2 en première ligne (parfois à des doses plus élevées que la normale), complétés au besoin par des inhibiteurs de libération des médiateurs (ex: cromoglycate de sodium, kétotifène) et des inhibiteurs de synthèse de médiateurs (anti-leucotriènes type montelukast, aspirine à faible dose si tolérée). Ces mesures visent à calmer l’« orage mastocytaire ». D’après les spécialistes, bloquer les récepteurs à l’histamine et stabiliser les mastocytes pourrait non seulement soulager les symptômes mastocyte-dépendants, mais aussi moduler l’inflammation systémique du Covid long — certaines voies histamine-dépendantes contribuant aux désordres immunitaires du Covid long. En pratique, plusieurs médecins commencent à prescrire des bithérapies anti-H1/H2, parfois associées à du montelukast (anti-leucotriène) ou d’autres modulateurs, aux Covid longs suspectés de SAMA, avec des retours encourageants (amélioration de douleurs, du sommeil, des troubles gastro-intestinaux, etc., selon des retours d’expérience cliniques). Bien sûr, tout traitement doit être personnalisé et supervisé médicalement.
Il faut noter que le pronostic à long terme du SAMA post-Covid reste incertain (pas encore d’études de suivi prolongé). On ignore si l’activation mastocytaire finira par s’apaiser d’elle-même ou nécessitera un traitement au long cours chez ces patients. Néanmoins, les experts soulignent l’importance d’une reconnaissance précoce : mieux vaut identifier un SAMA et le prendre en charge dès que possible, cela pouvant « réduire les complications systémiques et améliorer la qualité de vie » des patients Covid longs. C’est un bel exemple de l’apport d’une approche holistique et individualisée : derrière un Covid long, penser à investiguer une piste mastocytaire peut vraiment faire la différence pour certains.
Dysautonomie et POTS : le Covid long s’attaque-t-il au système nerveux autonome ?
Beaucoup de Covid longs décrivent des symptômes évocateurs d’un dérèglement du système nerveux autonome (le système qui gère automatiquement la fréquence cardiaque, la tension artérielle, la digestion, la température du corps, etc.). Un des tableaux les plus typiques est le syndrome de tachycardie orthostatique posturale (POTS). Ce syndrome, connu bien avant la pandémie mais relativement rare, se caractérise par une augmentation excessive du rythme cardiaque (+30 bpm ou plus) en position debout prolongée, s’accompagnant de malaise, étourdissements, palpitations, intolérance à la station debout prolongée, pouvant forcer la personne à s’allonger pour soulager les symptômes. Avant 2020, le POTS était souvent déclenché par des infections virales banales (mononucléose, grippe…) chez des sujets prédisposés, notamment de jeunes femmes (rapport F/H > 4). Dans 30 à 40% des cas de POTS on retrouvait la notion d’une infection virale quelques semaines avant le début des symptômes. Avec le Covid-19, on assiste à une flambée de diagnostics de POTS et de troubles apparentés.
Des études estiment que jusqu’à 2/3 des patients Covid long présentent une dysautonomie modérée à sévère (dont principalement du POTS ou une intolérance orthostatique). Même en prenant des estimations plus conservatrices, au moins 10 à 30% des personnes après Covid présentent des symptômes évocateurs d’une dysautonomie persistante. Ces troubles du système autonome se manifestent non seulement par des tachycardies orthostatiques, mais aussi par des variations de tension artérielle, des malaises vagaux, des sueurs excessives ou au contraire des extrémités froides, des troubles digestifs (gastroparesie, diarrhées ou constipations par dysmotilité), voire des troubles urogénitaux — car le système autonome innerve de nombreux organes. Il n’est pas rare que des Covid longs combinent à la fois un POTS (problème cardio-vasculaire) et des troubles gastro-intestinaux fonctionnels, suggérant une atteinte globale de l’innervation autonome.
Comment le SARS-CoV-2 provoque-t-il cela ? Plusieurs pistes : une réaction auto-immune dirigée contre le système nerveux autonome (par exemple des auto-anticorps dirigés contre des récepteurs régulateurs du cœur et des vaisseaux, ce qui a été documenté dans certains cas) ; une neuropathie des petites fibres nerveuses induite par l’infection (des biopsies chez certains Covid longs montrent des atteintes des fibres nerveuses sudorales ou cutanées, cohérentes avec une dysautonomie) ; ou encore des lésions inflammatoires des centres neuro-vasculaires. Le point commun est que le “chef d’orchestre” automatique du corps se dérègle : le cœur s’emballe, les vaisseaux se contractent mal, le tube digestif perd son péristaltisme normal, etc., sans contrôle conscient du patient. À cela peut s’ajouter l’effet de la dénutrition et du déconditionnement chez les patients restés alités longtemps, aggravant les symptômes orthostatiques (perte de réflexes vasculaires, fonte musculaire).
La bonne nouvelle est que le POTS et la dysautonomie, bien que très handicapants, ne sont pas irréversibles. Dans les formes post-virales classiques, un certain pourcentage de patients voyaient une amélioration au fil du temps (6 mois à quelques années). Pour le POTS post-Covid, on dispose encore de peu de recul, mais un suivi indique qu’une proportion significative de patients récupère spontanément en ~12 mois. En attendant, une prise en charge symptomatique peut grandement aider. Les cardiologues et neurologues proposent classiquement : mesures physiques et diététiques (hydratation abondante, apport suffisant de sel pour augmenter le volume sanguin, port de bas de compression, petites activités physiques allongées pour réentraîner le système cardiovasculaire), pacing (gestion très progressive de l’effort pour éviter le surmenage et le « crash » de fatigue), et, si nécessaire, médicaments (bêta-bloquants à faible dose pour contrôler la tachycardie, midodrine ou fludrocortisone pour soutenir la tension, ivabradine, etc.). Ces approches sont recommandées également dans le POTS du Covid long, avec l’adaptation requise du fait de la fatigue post-infectieuse qui complique l’exercice. D’ailleurs, une petite étude en 2024 a rassuré sur le fait qu’un exercice doux et adapté n’aggrave pas les symptômes des patients Covid long comparé à des témoins, suggérant que l’on peut proposer une rééducation prudente comme pour l’EM/SFC, en évitant le surmenage.
Sur le front des traitements plus innovants, on voit apparaître l’utilisation de molécules immunomodulatrices. Par exemple, des essais explorent la naltrexone à faible dose (Low-Dose Naltrexone, LDN), un modulateur de la microglie et de l’inflammation neurologique. Cette molécule, utilisée à dose ultrabasse, pourrait réduire la neuro-inflammation qui contribue à la dysautonomie. Un nombre croissant d’études soutient l’emploi du LDN dans les dysautonomies post-Covid, de manière similaire à son usage dans la fibromyalgie. Attention, le LDN n’est pas encore un traitement « officiel » du Covid long, mais ces résultats préliminaires sont prometteurs et il est parfois prescrit en hors-protocole par des médecins informés, avec un certain succès rapporté sur la fatigue, le sommeil et la douleur.
Enfin, comprendre la dysautonomie post-Covid c’est aussi réaliser que beaucoup de symptômes attribués longtemps à l’anxiété ou au psychosomatique (palpitations, sueurs, malaises inexpliqués) ont en fait une base physiologique réelle. Cette reconnaissance apporte un soulagement moral aux patients : non, « ce n’est pas dans votre tête » — votre corps subit un véritable dérèglement post-infectieux. Cet aspect humain est crucial : savoir qu’on souffre d’un syndrome reconnu, que l’on n’est pas seul, et que la recherche s’y intéresse activement, contribue à un espoir raisonnable.
Fatigue chronique post-virale : des points communs avec l’EM/SFC
Un des symptômes pivot du Covid long est cette fatigue chronique intense, disproportionnée par rapport aux activités réalisées, et surtout aggravée par l’effort (phénomène de malaise post-exercice). Beaucoup de patients décrivent un « état grippal permanent » qui fluctue, avec des jours « avec » et des jours « sans », où le moindre effort cognitif ou physique peut entraîner un effondrement énergétique retardé de 24–48h. Cela rappelle très fortement l’Encéphalomyélite Myalgique / Syndrome de Fatigue Chronique (EM/SFC), une maladie reconnue depuis des décennies mais dont la cause reste débattue, souvent déclenchée par une infection virale aiguë (EBV mononucléose, virus de Ross River, etc.). Les chercheurs du monde entier n’ont pas tardé à faire le parallèle : le Covid long pourrait être, au moins pour une partie des patients, un EM/SFC post-Covid. D’ailleurs, si l’on applique les critères de l’EM/SFC aux patients Covid longs souffrant de fatigue extrême, on trouve un très grand recouvrement. Plusieurs études ont documenté que le Covid long remplit fréquemment les critères de l’EM/SFC (au moins 6 mois de fatigue invalidante, malaise post-effort, sommeil non réparateur, douleurs, troubles cognitifs) chez une part importante des cas.
Pourquoi est-ce important ? Parce que la recherche sur l’EM/SFC depuis des années offre des pistes pour le Covid long. Par exemple, des anomalies immunologiques similaires ont été observées : un état de “feu bas” inflammatoire avec production de cytokines pro-inflammatoires, une diminution de certains types de lymphocytes T, parfois la réactivation de virus latents (EBV, HHV-6… qui pourrait contribuer aux symptômes). L’EM/SFC est aussi associé à des perturbations de la perfusion cérébrale (d’où brouillard mental, vertiges), de la fonction endocrinienne (axe cortisol, hormones du stress), et dernièrement, des indices de dysfonctionnement mitochondrial (voir section suivante). Tout cela est en train d’être évalué de près chez les Covid longs. Les premières publications suggèrent effectivement des points communs : on retrouve, chez de nombreux Covid longs, des signes de neuro-inflammation (par activation des cellules microgliales dans le cerveau), des auto-anticorps circulants pouvant attaquer des récepteurs (d’où des symptômes multi-systèmes), et bien sûr la caractéristique partagée du PEM (post-exertional malaise), ce crash après l’effort typique de l’EM/SFC que beaucoup de Covid longs découvrent avec effroi.
Face à cela, les approches de gestion développées pour l’EM/SFC s’avèrent utiles : la technique du pacing (gestion énergétique en évitant le dépassement de ses limites, planification des activités et du repos), les aides à la récupération (physiothérapie douce, respiration, méditation), voire l’utilisation de fauteuil roulant ou d’aides techniques pour économiser l’énergie lors des journées difficiles. Bien que ces mesures ne guérissent pas la cause sous-jacente, elles permettent au patient de stabiliser son état, d’éviter les « montagnes russes » d’efforts/décompensation, et ainsi de créer un terrain plus propice à la récupération sur le long terme.
Sur le plan médical, des chevauchements diagnostiques existent aussi : par exemple, un sous-ensemble de patients EM/SFC présente également une dysautonomie (beaucoup d’EM/SFC ont un POTS ou une hypotension neurale médiée). De même, un sous-ensemble a un syndrome d’activation mastocytaire. On parle parfois de syndrome d’Ehlers-Danlos hypermobile en comorbidité (une fragilité du tissu conjonctif, elle-même associée à plus de mastocyte et POTS). Bref, toutes ces conditions forment un enchevêtrement que la science peine encore à démêler. Sont-ce des facettes d’une même entité ou des coïncidences de facteurs de risque ? Le débat est en cours. Pour le patient, cependant, ces étiquettes importent moins que la prise en charge globale de ses symptômes.
Il est également crucial de mentionner l’impact psychologique : vivre avec une fatigue chronique invalidante et imprévisible est extrêmement difficile. Cela peut mener à de l’anxiété, de la dépression réactive, un isolement social. Un accompagnement psychologique bienveillant (idéalement par des thérapeutes formés aux maladies chroniques, pour éviter les maladresses du type “c’est dans votre tête”) peut apporter un soutien moral précieux. Paradoxalement, l’espoir né du Covid long est que la forte médiatisation et la mobilisation de la recherche sur cette condition post-virale rejaillissent positivement sur l’EM/SFC, qui a longtemps été délaissée. Des essais cliniques se montent, des financements sont débloqués, ce qui pourrait accélérer la découverte de traitements profitant à tous ces patients.
Le microbiote intestinal et le SIBO : l’intestin, grand oublié du Covid long ?
Beaucoup de Covid longs rapportent des symptômes digestifs : nausées, diarrhées chroniques, ballonnements, douleurs abdominales, perte d’appétit, etc. Durant la phase aiguë de Covid-19, on a constaté que le virus SARS-CoV-2 infecte aussi le tractus digestif (les cellules intestinales expriment le récepteur ACE2), provoquant parfois des gastro-entérites. Mais normalement, ces troubles sont transitoires. Alors, pourquoi certains gardent un intestin perturbé des mois plus tard ?
Les scientifiques se sont penchés sur le microbiote intestinal des Covid longs. Des recherches publiées en 2022 ont montré que l’infection dérègle la composition des bactéries intestinales, induisant une perte de diversité et la prolifération de certaines bactéries opportunistes. En clair, le Covid peut créer un état de dysbiose : un déséquilibre du microbiote où les bonnes bactéries diminuent et les pathogènes augmentent. En même temps, on observe des lésions de la muqueuse intestinale (altération des cellules caliciformes productrices de mucus, diminution des cellules de défense comme les cellules de Paneth), ce qui peut rendre la paroi intestinale plus perméable. Conséquence potentielle : des bactéries ou toxines intestinales peuvent traverser la barrière intestinale et provoquer des inflammations systémiques, voire des infections secondaires. L’NIH a rapporté que ces perturbations permettent à des bactéries résistantes de coloniser l’intestin et même de passer dans le sang, expliquant en partie le taux élevé d’infections bactériennes secondaires chez les patients Covid graves. Chez les Covid longs, on suspecte que cette invasion bactérienne subtile contribue à l’inflammation chronique (par activation immunitaire constante via les LPS bactériens, etc.).
Dans ce contexte, le SIBO (Small Intestinal Bacterial Overgrowth) est un cas particulier de dysbiose où trop de bactéries colonisent l’intestin grêle. Un cas clinique publié en 2022 a décrit un patient ayant développé un SIBO quelques mois après un Covid modéré, avec diarrhées rebelles et ballonnements sévères. Les examens avaient exclu les autres causes, et un test respiratoire à l’hydrogène (test au lactulose) a confirmé le SIBO. Ce patient a été traité par antibiotiques ciblant l’intestin (rifaximine + néomycine), ce qui a entièrement résolu ses symptômes. Les auteurs concluent que l’infection virale avait probablement perturbé la motilité intestinale (via une baisse de la sécrétion de motiline) et l’acidité gastrique, créant un terrain favorable au SIBO. Ils soulignent aussi le fameux axe intestin-poumon : on savait déjà qu’un intestin déséquilibré rend plus vulnérable aux infections respiratoires, et réciproquement qu’une infection pulmonaire peut affecter le microbiote intestinal. Le Covid illustre parfaitement ce dialogue intestin-poumon.
Au-delà du SIBO, même sans prolifération bactérienne diagnostiquée, de nombreux Covid longs souffrent d’un syndrome de type IBS (syndrome de l’intestin irritable) post-infectieux. La bonne nouvelle est qu’en agissant sur le microbiote, on peut parfois améliorer ces symptômes. Une étude de cas récente menée à Rutgers a montré qu’une intervention nutritionnelle ciblant le microbiote pouvait soulager un Covid long sévère : une patiente avec des troubles gastro-intestinaux invalidants (nausées, vomissements, douleur abdominale pendant plus d’un an) a reçu un régime spécialement formulé, riche en fibres, sur 2 mois. Non seulement ses symptômes digestifs se sont nettement améliorés, mais aussi ses palpitations et son anxiété ont diminué après ce traitement nutritionnel. C’est la première démonstration publiée qu’en modulant le microbiote, on peut améliorer un Covid long (publication dans mBio 2022). Bien sûr, il s’agit d’un cas unique avec une formule spécifique (nommée NBT-NM108), et on ne peut pas généraliser à tous. Mais cela ouvre des perspectives : par exemple, l’utilisation de probiotiques ou de prébiotiques est en cours d’évaluation dans des essais cliniques pour les Covid longs. Certaines souches probiotiques immunomodulatrices pourraient aider à rééquilibrer la réponse immune. De même, des régimes alimentaires adaptés (faible en histamine si SAMA prédominant, faible en FODMAP si ballonnements, etc.) sont testés empiriquement par les patients et parfois recommandés par les nutritionnistes pour voir si une amélioration survient.
En somme, ne pas oublier l’intestin dans la prise en charge du Covid long est crucial. Un bilan gastro-entérologique peut être justifié devant des symptômes digestifs persistants : endoscopies pour écarter des lésions, analyses de selles, tests respiratoires pour le SIBO, etc. Si un SIBO est confirmé, un traitement antibiotique non résorbable (rifaximine) peut être entrepris avec parfois de bons résultats. Par ailleurs, soigner l’intestin, c’est aussi potentiellement réduire l’inflammation systémique (via la diminution du passage de toxines bactériennes) et améliorer l’immunité (70% de notre système immunitaire réside dans le gut). C’est donc un levier de guérison potentiel sur lequel misent plusieurs approches holistiques.
La fonction mitochondriale : la clé de l’épuisement et de la guérison ?
Les mitochondries sont les centrales énergétiques de nos cellules. Elles produisent l’ATP, la molécule qui fournit l’énergie nécessaire à toutes nos actions. On comprend dès lors que si les mitochondries tournent au ralenti, une fatigue profonde s’installe, accompagnée de faiblesse musculaire, de brouillard cérébral (le cerveau manquant de carburant) et de troubles divers. Or, de plus en plus d’indices pointent vers un dysfonctionnement mitochondrial dans le Covid long, ainsi que dans le SAMA, l’EM/SFC et même la dysautonomie. Une revue scientifique de 2023 souligne qu’une littérature croissante associe dysfonction mitochondriale et inflammation de bas grade dans l’EM/SFC, la fibromyalgie et le Covid long. En clair, dans ces maladies, on retrouve des signes de mitochondries moins performantes et un état inflammatoire chronique modéré. Les deux sont peut-être liés : l’inflammation peut endommager les mitochondries, et des mitochondries en souffrance libèrent à leur tour des signaux inflammatoires.
Quelles anomalies a-t-on trouvées ? Des études ont rapporté, chez des patients fatigue chronique et Covid long, des baisse de production d’ATP, un métabolisme altéré des cellules musculaires et immunitaires, un stress oxydatif élevé (ce qui suggère que les mitochondries « fuient » des radicaux libres), ou encore un dysfonctionnement du métabolisme du pyruvate et du cycle de Krebs. Par exemple, les muscles de patients fibromyalgiques présentent une phosphorylation oxydative inefficace et une accumulation de lactate anormale à l’effort. Chez les Covid longs, on a observé des perturbations du métabolisme des acides aminés et des acides gras évoquant un passage en mode “économie d’énergie” de l’organisme. De plus, l’analyse des cellules immunitaires sanguines de patients Covid a montré des altérations mitochondriales post-infection aiguë. Le SARS-CoV-2, en envahissant les cellules, dérègle aussi la dynamique mitochondriale : il peut fragmenter les mitochondries, interférer avec la respiration cellulaire, provoquer une chute de certains cofacteurs (comme le NAD+). Il existe même une protéine virale (ORF9b) qui cible directement les mitochondries et perturbe la réponse antivirale innée. Ainsi, on pense qu’après l’infection, certaines mitochondries restent abîmées ou dysfonctionnelles, surtout dans des tissus comme le cerveau, les muscles ou les nerfs — expliquant l’ensemble fatigue + dysautonomie + troubles cognitifs.
Cette hypothèse mitochondriale est très active en ce moment. Pourquoi ? Parce qu’elle offre un levier d’action concret : si le problème est un manque d’énergie cellulaire, on peut tenter de soutenir les mitochondries. Par quels moyens ? Plusieurs voies sont explorées : les antioxydants (pour réduire le stress oxydatif mitochondrial), les cofacteurs énergétiques (comme la coenzyme Q10, le NADH, la carnitine, l’acide alpha-lipoïque, les vitamines du groupe B…), ou encore des techniques comme la photothérapie infra-rouge (LLLT) qui pourraient stimuler la fonction mitochondriale localement.
Des essais cliniques ont déjà été menés. Par exemple, une petite étude ouverte en Espagne a rapporté qu’une supplémentation combinée en CoQ10 (200 mg/j) et acide alpha-lipoïque (200 mg/j) pendant 2 mois améliorait la fatigue chez des patients atteints de Covid long. Fort de ces observations, un essai clinique randomisé plus large a été conduit au Danemark pour tester la coenzyme Q10 à haute dose (500 mg/j) sur le Covid long. L’hypothèse reposait sur « des bases solides suggérant qu’une dysfonction mitochondriale contribue aux symptômes du Covid long ». Malheureusement, les résultats de cet essai contrôlé n’ont pas montré de différence significative entre CoQ10 et placebo après 6 semaines de traitement. Autrement dit, la CoQ10 seule n’a pas, en moyenne, amélioré les symptômes dans cette étude rigoureuse. Cela signifie-t-il que la piste mitochondriale est à abandonner ? Pas nécessairement. Les auteurs notent que malgré ce résultat négatif, l’étude apporte des enseignements : peut-être faut-il une approche plus globale (plusieurs cofacteurs en même temps, sur plus long terme, ou cibler les patients qui ont objectivement un déficit en CoQ10 au départ). Au moins, cela rappelle de ne pas s’auto-supplémenter aveuglément : des patients dépensent parfois des fortunes en compléments « boosters de mitochondries » sans preuve d’efficacité. Mieux vaut intégrer ces approches dans des essais cliniques encadrés pour vraiment savoir ce qui fonctionne ou pas.
Néanmoins, d’autres interventions liées au métabolisme sont prometteuses : par exemple, l’exercice physique très doux et calibré (appelé parfois “rehabilitation énergétique”) peut stimuler progressivement les mitochondries musculaires sans déclencher d’inflammation. Des cliniques post-Covid proposent des programmes de reconditionnement adapté (avec vélo couché, étirements, renforcement doux) qui, s’ils sont bien tolérés, peuvent aider le corps à retrouver de l’endurance sans aggraver le PEM. C’est un équilibre délicat à trouver.
On investigue aussi des médicaments modulant le métabolisme : la méformine, un antidiabétique qui influence la biogénèse mitochondriale et la réponse inflammatoire, fait l’objet d’essais (elle a montré un potentiel en prévention du Covid long dans une étude récente, et est en test en traitement curatif). Des molécules plus expérimentales, comme des activateurs de la voie NRF2 (voie anti-oxydante cellulaire), sont également explorées.
En somme, la fonction mitochondriale apparaît comme un carrefour des différents problèmes : une infection virale entraîne inflammation, qui abîme les mitochondries, qui produisent moins d’énergie et entretiennent la fatigue, tandis que le manque d’énergie lui-même peut empêcher une guérison rapide (puisque nos systèmes de réparation cellulaire nécessitent de l’énergie). Redonner un « coup de pouce » aux mitochondries pourrait aider à sortir de ce cercle vicieux. C’est une piste de recherche sérieuse — mais encore en construction. La prudence est de mise pour ne pas vendre du rêve prématurément, mais de nombreux experts pensent que c’est en combinant une approche immunitaire (calmer l’inflammation) et métabolique (booster l’énergie cellulaire) qu’on arrivera à faire remonter la pente aux patients les plus affectés.
Vers une approche holistique et personnalisée, appuyée par la science
Ce panorama des liens entre Covid long, SAMA, dysautonomie, SIBO, fatigue chronique et mitochondries montre à quel point le Covid long est complexe et multi-factoriel. Il n’existe pas de remède miracle unique — et toute approche prétendant le contraire doit être accueillie avec scepticisme. Néanmoins, l’espoir vient de ce que chaque composante peut être prise en charge partiellement : en assemblant patiemment les pièces du puzzle, on peut améliorer significativement la qualité de vie et, on l’espère, favoriser une guérison progressive. Voici les principales pistes de prise en charge qui se dégagent, toujours sous supervision médicale et sur une base scientifique :
- Modulation immunitaire (mastocytes et inflammation) : Identifier et traiter un éventuel SAMA par des antihistaminiques H1/H2, stabilisateurs de mastocytes (ex. cromoglycate) et anti-inflammatoires appropriés. Cela peut réduire les symptômes allergiques/inflammatoires et possiblement calmer l’orage cytokinique du Covid long. Des traitements ciblant les mastocytes sont à l’étude et pourraient améliorer notablement les patients chez qui cette composante domine.
- Réhabilitation du système nerveux autonome : Prise en charge du POTS par mesures non-médicamenteuses (hydratation, sel, bas de contention, activités physiques en position allongée) et médicaments si besoin (bêta-bloquant, midodrine, ivabradine…). Intégrer le pacing pour éviter le surmenage. Objectif : restaurer petit à petit la tolérance orthostatique sans épuiser le patient. Les études indiquent qu’un exercice adapté et fractionné est possible sans nuire, voire bénéfique, chez certains Covid longs.
- Soutien métabolique et énergétique : Surveiller et traiter d’éventuelles carences (vitamines, fer, etc.). Envisager des suppléments mitochondriaux avec prudence : par exemple, CoQ10, NADH, acides aminés, si le médecin suspecte un bénéfice et que le patient les tolère, mais en étant conscient que l’efficacité n’est pas prouvée (les essais cliniques sont en cours). Parfois, un simple supplément de vitamine B12 ou vitamine D en cas de déficit peut améliorer l’énergie et l’immunité.
- Rééquilibrage du microbiote intestinal : Adapter l’alimentation (ex: régime pauvre en histamine si symptômes type SAMA, régime riche en fibres pour nourrir le microbiote bénéfique, éviction des aliments déclencheurs identifiés). Traiter un SIBO avéré par antibiotiques ciblés (rifaximine), suivi de probiotiques pour restaurer une flore saine. Certaines équipes testent des transplantations de microbiote fécal dans le Covid long, ou des probiotiques spécifiques. Bien qu’expérimental, cela repose sur l’idée de couper l’auto-entretien de l’inflammation par l’intestin.
- Approche neurocognitive et santé mentale : Accompagner le patient dans le coping (stratégies pour vivre avec la maladie) : thérapies cognitivo-comportementales pour gérer le stress et l’anxiété générés par la maladie (non pour guérir le Covid long lui-même, mais pour aider à y faire face), techniques de relaxation, soutien psychologique pour prévenir la dépression. Ce n’est pas dans la tête, mais cela affecte la tête — soigner l’esprit aide le corps et vice versa.
- Soins symptomatiques et spécialisés : Kinésithérapie respiratoire si dyspnée, orthophonie si troubles cognitifs importants, prise en charge de la douleur par un centre antalgique si nécessaire (certains Covid longs ont des douleurs neuropathiques traitées par des médicaments comme la prégabaline, etc.), suivi cardiologique en cas d’atteinte cardiaque, etc. Une approche pluridisciplinaire est idéale, avec un médecin coordonnateur (généraliste, interniste…) à l’écoute.
L’intelligence artificielle (IA) pourrait jouer un rôle intéressant en soutien de cette approche holistique. En effet, la multitude de données de santé de ces patients (analyses, symptômes, évolution dans le temps) est complexe à interpréter pour un seul médecin. Des chercheurs du Mass General Hospital ont développé un outil d’IA capable de fouiller les dossiers médicaux à la recherche des signes de Covid long “cachés”, améliorant la détection des cas et la caractérisation précise des symptômes. Cet algorithme a même révélé que la prévalence du Covid long pourrait être beaucoup plus élevée qu’estimée, en identifiant des patients passés sous le radar diagnostique. Surtout, il permet d’objectiver la condition et d’aider les cliniciens à voir « le Covid long tel qu’il est vraiment — et surtout comment le traiter ». Au-delà du diagnostic, l’IA peut aider à stratifier les patients (identifier des sous-groupes : ceux chez qui la composante auto-immune domine, ceux chez qui c’est plutôt métabolique, etc.) en croisant des milliers de paramètres. À l’avenir, on peut imaginer des outils d’IA proposant des options thérapeutiques personnalisées, ou surveillant l’évolution sous traitement via des capteurs. Par exemple, des applications utilisent déjà des algorithmes pour analyser la variabilité de la fréquence cardiaque (VFC) et détecter des états de dysautonomie ou de fatigue chez les Covid longs, alertant le patient d’un risque de surmenage imminent. Attention toutefois : l’IA n’est qu’un outil d’aide et ne remplace pas le médecin humain, d’autant que chaque patient a une histoire et des préférences uniques. Mais bien utilisée, elle pourrait accélérer la recherche de traitements efficaces et réduire l’errance médicale.
Conclusion : de la compréhension… à l’espoir
En l’espace de trois ans, le Covid long a forcé la médecine à revisiter des syndromes autrefois négligés. Qui aurait cru qu’un virus provoquerait à la fois des tableaux d’allergie systémique (SAMA), de fibromyalgie, de syncope orthostatique et d’intestin irritable ? Et pourtant, nous voyons aujourd’hui se dessiner des liens physiopathologiques communs derrière ces étiquettes. Une dysrégulation immunitaire profonde, potentiellement entretenue par un réservoir viral persistant ou des auto-anticorps, semble être le fil rouge. Elle entraîne dans son sillage une cascade de dérèglements : hyperactivation mastocytaire, inflammation cérébrale, atteinte nerveuse autonome, déséquilibre du microbiote, micro-thromboses peut-être, et perturbation du métabolisme cellulaire (mitochondrial). C’est un défi immense pour la science, mais aussi une formidable opportunité d’approche intégrative. Plutôt que de segmenter le patient en organes (un spécialiste pour le cœur, un pour l’estomac, un pour la peau…), on redécouvre l’importance de considérer la personne dans sa globalité.
Heureusement, la mobilisation est sans précédent : des cohortes de recherche se montent dans le monde entier, avec des échanges constants entre cliniciens, biologistes et patients-experts via les réseaux sociaux et associations. On voit émerger une médecine plus participative, où les patients (notamment les Covid longs, souvent très informés) contribuent à orienter les questions de recherche. Chaque mois apporte son lot de nouvelles découvertes, affinant notre compréhension. Il faudra du temps pour que cela se traduise en traitements approuvés, mais des essais cliniques sont en cours (antiviraux, immunothérapies, rééducation spécialisée, etc.).
En attendant ces avancées, des milliers de “long-haulers” parviennent déjà à améliorer lentement leur état en combinant les approches mentionnées : traitement des co-pathologies identifiées (SAMA, POTS, SIBO…), rééquilibrage du mode de vie, réadaptation progressive. Beaucoup témoignent d’une progression en « dents de scie », avec des rechutes puis des améliorations sur plusieurs mois. Il est essentiel de garder espoir tout en restant lucide : la récupération peut être longue, partielle, mais réelle. S’informer auprès de sources fiables, comme nous avons tenté de le faire ici, permet d’avoir un espoir éclairé. Ni faux miracle, ni fatalisme : juste la conviction que la compréhension scientifique, alliée à l’humanité dans les soins, finit par porter ses fruits.
En conclusion, le Covid long nous enseigne l’importance d’une santé véritablement quantique (pour reprendre le nom de ce groupe) : tous les systèmes du corps et de l’esprit sont intriqués. En agissant sur une composante, on peut influencer favorablement l’ensemble. Avec de la patience, du soutien et les progrès de la science, ces maladies aujourd’hui si invalidantes pourraient demain être mieux traitées, voire évitées. Continuons à partager connaissances, expériences et bienveillance : c’est ainsi que, petit à petit, se dessine le chemin de la guérison.